lundi 21 avril 2014

Pluie

Ses pas se fondent dans un brouillard de doutes. Les trottoirs, vêtus de leur éternelle parure grise, conduisent inévitablement au futur, par les routes droites ou les chemins escarpés, par les avenues bondées ou les ruelles mal éclairées. Les gouttières pleurent les dernières larmes de l’orage et la ville toute entière se retrouve piégée dans l’inquiétant vacarme des jours de pluie. L’eau se faufile partout, elle prend sournoisement en otage les pas des marcheurs pressés, s’élance des toits pour mouiller le monde à ses pieds, cours derrière les voitures dans un courant glacé. Le gris du ciel laisse peu à peu place au noir éteint de la nuit que tranche sans merci l’aveuglante lumière de la ville.

Le monde est monde même quand la vie se pare de tristesse, le monde restera monde tant que dans les cœurs coulera un dernier flot de tendresse.

mardi 15 avril 2014

Inspiration envolée

Elle s’est envolée, l’inspiration que m’ont donnée les soirs d’été. Brisée sur les rochers d’une amère solitude, elle me manque dans les longues secondes de ma langueur hivernale. Je cherche dans les flocons de nacre les mots qui ne me viennent pas. La silencieuse mélodie de la neige claire flottant dans le vent m’arrache à des pensées qui ne veulent plus de moi. Je cherche à chaque heure la clarté aiguë de mes phrases d’avant, ce fleuve de lettres qui emportait mes mains dans son courant entre les berges d’une feuille blanche.

J’aimais sentir mon cœur se vider de toutes ces douleurs que je ne savais pas dire, voir mes mains imprimer sur le papier les maux qui me rongeaient. Je savais écrire sans y songer puis tourner la page, épuisée, honteuse, heureuse et déboussolée.

mercredi 19 mars 2014

Du Fond De L'âme

Na-t-on pas un jour désiré tracer avec la précision de l’araignée brodant sa toile les contours vaporeux de l’âme ? Sans avoir à m’éloigner du monde, sans chercher non plus à capturer la beauté muette de ces secondes, j’ai vu, avec les yeux ou avec le cœur, je ne saurais le dire, mais j’ai vu la flamme de ta vie, l’essence de ton être, cette lumière invisible qui brille en chaque homme et dans laquelle se reflète ce que les sens se refusent à connaître. J’ai aperçu cette lueur diluée qui s’échappait de ton corps et caressait ta silhouette enveloppée dans la seule lumière d’un rayon de lune encore timide. J’ai vu ce que peu d’autres ont vu, connu ce que personne n’a connu. Ton âme insaisissable, cette beauté perlée qui teignait tes gestes d’une lointaine immortalité, cette écume légère et parfumée qui avait l’odeur de ton sourire et le goût de mon amour t’a enveloppée, caressant ta peau, se rendant visible à travers l’invisible, pour le seul plaisir de mes yeux.

Je te voyais rayonner comme l’astre céleste, nourrissant mes rêves et figeant mes envies. Mais toi, ni lune ni étoile, brillante comme elles mais maquillée d’une douceur fantomatique et instable, toi, tu n’étais que nuages, brume et espoirs indistinct. Toi, tu étais un coucher de soleil patiné d’ombres roses, merveilleux, éphémère et incertain. Toi, tu étais le bruit des vagues rasant le sable, violente et pourtant si douce, fraîche, irrégulière. Toi, tu étais toutes ces formes qu’on a tenté de donner à l’amour, les rimes, les poèmes lancés du bout de la plume, les déclarations, les flammes, les envies et le désir dépeint fraîchement dans l’ombre des souvenirs. Tu étais tout cela, et bien plus, l’indicible malaise des sentiments, l’incompréhension, les sensations déchaînées et cette vague impression de vérité.

Et à cet instant-là, pendant ces courtes secondes où tu n’as semblé être qu’à moi, j’ai cru pouvoir, à travers la vague clarté qui émanait de ton corps, saisir l’insaisissable et figer l’étrange mouvance de tes sens. J’ai cru appartenir avec toi au secret de cet instant, j’ai cru saisir ta main et pouvoir la garder, j’ai cru que plus jamais dans l’éphémère brouillard des jours tu ne t’envolerais. 

mercredi 5 mars 2014

Écrire ma vérité

Je pourrais écrire sur la fenêtre de cette chambre d’hôtel qui crache ses jolis rayons et les laisse caresser mes contours. Je pourrais écrire sur le ciel bleu qui berce les arbres aux couleurs chaudes allumés par le soleil. Je pourrais écrire sur les yeux de la chouette qui a plongé son regard dans le mien dans ce petit zoo de campagne.
Ecrire sur mon envie de me perdre dans le monde, un monde qui ne demande qu’à être découvert pour ce qu’il est et non pour ce qu’il apporte. Ecrire sur un voyage qui me porterait par-delà les océans, les montagnes ou les déserts. Je pourrais écrire sur un voyage imaginaire. Je pourrais mentir, inventer. Je pourrais dessiner le monde comme je l’aimerais.

mardi 25 février 2014

Oubliée

Elle secoue sa jolie tête brune pour faire tomber les larmes qui glissent mollement de ses yeux aux plis soyeux de son cou. Elle observe les gens qui passent, cet amas compact d’individualités refoulées et de désirs corrompus qui se pressent comme une seule vague sous la lumière des longs soleils électriques. Ils s’avancent tous vers un but mal défini, ignorant cruellement le petit corps radieux d’innocence qui les contemple, immobile sur un banc aux planches froides derrière lequel sanglote bruyamment une petite fontaine. Elle serre dans ses bras l’ours brun au regard triste, ce morceau de réconfort plus solide qu’une chaîne qui la rattache à la splendide insouciance de son enfance.

Puis une femme s’approche. Une femme hors du temps et de la masse, portée par un désir de maternité inassouvi et une compassion frémissante.

«  Maman m’a oubliée. », avoue la petite avec une lucidité éclairée. Elle attrape la peluche douce aux grands yeux, la femme saisi sa petite main et ils affrontent tous trois la marée d’existences qui emporte dans son flot continu les paisibles minutes de vie.

De sa grosse voix le haut-parleur recherche désespérément la maman, la jeune et jolie maman, la maman qui a disparu. Mais seul l’écho de l’insoutenable brouhaha qui se glisse sournoisement entre les rayons lui répond. Puis soudain une femme se présente, élégante, rassurée. Ce n’est pas maman. Elle a perdu ses clés, elle a une voix brouillée par l’inconnu, ce n’est pas maman. Les allées se vident, les milliers de pas s’éloignent peu à peu puis les lumières s’éteignent. Maman n’est plus là. Maintenant, l’innocent avenir de cette poupée de porcelaine qui serre tendrement son nounours en versant de belles larmes rondes glisse entre des mains étrangères et bienfaisantes. Maman n’est plus là.

jeudi 20 février 2014

La ville

Au fond du jour, la ville immobile et menteuse, étendue, sournoise dans ses gestes et brûlante de silence, opposée à elle-même par le cri de ses rues, s’agitant sans se mouvoir.
Maquillée par les dernières larmes du soleil, la ville qui se croit immortelle et rêve à la fin de son règne. La ville, plein et ronde, prête à éclater, étirant son ombre grise jusqu’au flanc des collines au souffle coupé.
Sous l’œil humide de la nuit, la ville qui refuse de s’éteindre et de ranger ses cris, la ville qui se fait vivante parmi d’épaisses nappes de sommeil, la ville désobéissante, rebelle et charmeuse, la ville et son parfum de fleurs qui brouille les relents amères de son cœur. La ville qui se cache, danse dans la lumière céleste, vit et ment pour ne pas dévoiler ses pleurs.

mercredi 12 février 2014

Escapando

Los primeros rayos de sol resbalaban despacio por las ventanas. Amanecía y el tren seguía dejando detrás de sí paisajes que las primeras luces encendían como velas perfumadas. Se despertaban los campos, los árboles se vestían de fuego y colores y en el cielo se derretían mullidas nubes.
Su primera palabra fue un suspiro, leve, ligero, que se evaporó en la atmósfera mojada de sueño del vagón.
Su primera frase se compuso de una sonrisa, una mirada empañada al chico que todavía dormía a su lado, una caricia en su mano tan suave y un beso en su frente. Fue el beso a despertarlo, como una fría gota de lluvia, y alejarle de sus sueños felices para llevarlo a una realidad más suave todavía: ella.
Llevaban juntos horas huyendos los tormentos de la ciudad. Habían dejado a sus espaldas la vida incesante, el ruido que seguía en olas desordenadas las calles y la altura de los edificios que anulaban el poder de la luz.
Iban atraversando paisajes que evolucionaban según se sumaban los kilómetros. Escapándo.

Ella abrió la ventana y llegó a sus narices un olor de grandeza, aquel olor fuerte y puro que vierte la naturaleza en el aire todavía frío de las mañanas.