mardi 25 février 2014

Oubliée

Elle secoue sa jolie tête brune pour faire tomber les larmes qui glissent mollement de ses yeux aux plis soyeux de son cou. Elle observe les gens qui passent, cet amas compact d’individualités refoulées et de désirs corrompus qui se pressent comme une seule vague sous la lumière des longs soleils électriques. Ils s’avancent tous vers un but mal défini, ignorant cruellement le petit corps radieux d’innocence qui les contemple, immobile sur un banc aux planches froides derrière lequel sanglote bruyamment une petite fontaine. Elle serre dans ses bras l’ours brun au regard triste, ce morceau de réconfort plus solide qu’une chaîne qui la rattache à la splendide insouciance de son enfance.

Puis une femme s’approche. Une femme hors du temps et de la masse, portée par un désir de maternité inassouvi et une compassion frémissante.

«  Maman m’a oubliée. », avoue la petite avec une lucidité éclairée. Elle attrape la peluche douce aux grands yeux, la femme saisi sa petite main et ils affrontent tous trois la marée d’existences qui emporte dans son flot continu les paisibles minutes de vie.

De sa grosse voix le haut-parleur recherche désespérément la maman, la jeune et jolie maman, la maman qui a disparu. Mais seul l’écho de l’insoutenable brouhaha qui se glisse sournoisement entre les rayons lui répond. Puis soudain une femme se présente, élégante, rassurée. Ce n’est pas maman. Elle a perdu ses clés, elle a une voix brouillée par l’inconnu, ce n’est pas maman. Les allées se vident, les milliers de pas s’éloignent peu à peu puis les lumières s’éteignent. Maman n’est plus là. Maintenant, l’innocent avenir de cette poupée de porcelaine qui serre tendrement son nounours en versant de belles larmes rondes glisse entre des mains étrangères et bienfaisantes. Maman n’est plus là.

jeudi 20 février 2014

La ville

Au fond du jour, la ville immobile et menteuse, étendue, sournoise dans ses gestes et brûlante de silence, opposée à elle-même par le cri de ses rues, s’agitant sans se mouvoir.
Maquillée par les dernières larmes du soleil, la ville qui se croit immortelle et rêve à la fin de son règne. La ville, plein et ronde, prête à éclater, étirant son ombre grise jusqu’au flanc des collines au souffle coupé.
Sous l’œil humide de la nuit, la ville qui refuse de s’éteindre et de ranger ses cris, la ville qui se fait vivante parmi d’épaisses nappes de sommeil, la ville désobéissante, rebelle et charmeuse, la ville et son parfum de fleurs qui brouille les relents amères de son cœur. La ville qui se cache, danse dans la lumière céleste, vit et ment pour ne pas dévoiler ses pleurs.

mercredi 12 février 2014

Escapando

Los primeros rayos de sol resbalaban despacio por las ventanas. Amanecía y el tren seguía dejando detrás de sí paisajes que las primeras luces encendían como velas perfumadas. Se despertaban los campos, los árboles se vestían de fuego y colores y en el cielo se derretían mullidas nubes.
Su primera palabra fue un suspiro, leve, ligero, que se evaporó en la atmósfera mojada de sueño del vagón.
Su primera frase se compuso de una sonrisa, una mirada empañada al chico que todavía dormía a su lado, una caricia en su mano tan suave y un beso en su frente. Fue el beso a despertarlo, como una fría gota de lluvia, y alejarle de sus sueños felices para llevarlo a una realidad más suave todavía: ella.
Llevaban juntos horas huyendos los tormentos de la ciudad. Habían dejado a sus espaldas la vida incesante, el ruido que seguía en olas desordenadas las calles y la altura de los edificios que anulaban el poder de la luz.
Iban atraversando paisajes que evolucionaban según se sumaban los kilómetros. Escapándo.

Ella abrió la ventana y llegó a sus narices un olor de grandeza, aquel olor fuerte y puro que vierte la naturaleza en el aire todavía frío de las mañanas.

Happiness in a clouded sky

Dreams. This is all it was about. Dreams, future lights in a hypothetical sky. Fading stars, attractive perfumes, bright promises.
I had a dream. Like a seed planted in the ground of my hope, it grew up, blossomed and gave me the most beautiful flower I had ever caught sight of in my garden: happiness. 
Here is the mysterious island where all my thoughts and projects were due to land. Hapiness. A mystical country of satisfaction, peace and soft lights. Happiness. Here where I am, here where I have always dreamt of landing, here where I strongly hope I can settle down forever. 

mardi 11 février 2014

Recommencer

Sous ses yeux s’étend le monde : beau comme il ne l’a jamais été, violent, déchirant, rassuré. Elle enchaîne des pas peu sûrs sur un toit au rebord fragile. Ne pas regarder en bas, mais pourquoi ? Des étoiles dansent dans sa tête. Elle l’aime, mais il s’est effacé. Elle voudrait sauter et oublier, mais ce monde ? Il est si beau, lui qui l’a nourrie jusqu’ici. Il est si grand, il lui parle, lui murmure, il éclate en sanglots de klaxons déchaînés, il pleure des larmes glacées qui s’abattent avec précision sur son visage figé. Elle pense, réfléchit, oublie. Elle oublie les pas meurtris qui l’ont portée jusqu’ici. Elle oublie son cœur déchiré, écrasé sous les brisures de la vie. Elle oublie cette envie de partir, de mourir. Elle veut vivre, oui, mais autrement, ailleurs, sans lui, sans eux, sans cette inquiétude constante qui ternit son âme et noircit son cœur.

Elle veut aimer, nettoyer ses blessures avec l’eau claire d’un amour nouveau. Elle veut cette existence colorée qui scintille dans le lointain d’un avenir qu’elle n’a pas suivi. Elle veut revivre son inconscient bonheur d’enfant, cet amour chaud du monde qui l’a bercée. Elle veut retrouver cette vie sereine ballottée au gré du vent comme les feuilles d’automne, elle veut reconquérir, simplement et sans bruit, son précieux sourire.

lundi 10 février 2014

Loin

Le monde brillait dans ses yeux, rond, lumineux. Elle avait au cœur de ses pupilles les douces promesses d’un avenir heureux. D’un avenir à nous deux, mais si loin de tout. La malice qui luisait dans son regard me l’annonçait : partir, c’était tout ce qu’elle voulait. Le monde était trop précieux, digne d’être découvert, pour un cœur si grand. Elle voulait une vie sur la route, à travers les frontières, au-delà des montagnes, loin. Elle voulait un futur dessiné par de petits cailloux blancs, un sac au dos sur les chemins de pierre, et ma main dans la sienne. Loin.

mercredi 5 février 2014

Liouba, là-bas

Le soleil fit briller une dernière fois les vitres des voitures arrêtées, puis il se coucha. Elle rêva, car le rêve était tout ce qu’il lui restait. Elle rêva au monde palpitant qui s’élevait au-delà des cloisons de pierre. Elle rêva à ce qu’aurait pu être sa vie.

Elle imagina que ce jour-là, ce jour fatal, ce jour atrocement normal et banalement prévisible à son commencement, s’était terminé aussi banalement que tous les autres. Elle imagina qu’elle ne rencontrait pas l’homme. Elle allait à l’école sans entrain, mais sans peur non plus. A l’endroit où il était apparu, il n’y avait rien. Elle continuait pour se plonger dans la normalité de cette journée, la vivre sans y penser, puis s’endormir et l’oublier.

Elle n’était pas abordée par l’inconnu en costume gris. Il ne la harcelait pas jusqu’aux portes de fer du collège avec ses promesses qui brillaient comme des pièces d’or. Elle n’était pas aveuglée par leur éclat, elle ne le suivait pas. Elle entrait simplement dans cette classe qu’elle méprisait alors et qu’elle désirait pourtant tant retrouver.

Elle ne montait pas dans la voiture noire aux vitres teintées, elle n’était pas amenée dans la pièce sombre et exigüe où se tenaient trois autres filles, plus âgées et plus maquillées. Elle ne se posait pas de questions, ne cherchait pas à savoir si vraiment l’idée de cette carrière de mannequin apparue si soudainement ne venait pas de s’envoler. Elle écoutait le professeur disséquer Pouchkine avec délectation et gribouillait sur son cahier quelques phrases attrapées au détour d’une pensée distraite.

Elle ne tremblait pas de peur devant le récit de ces femmes pas si vieilles qui tiraient devant elle le voile de mensonges dans lequel l’homme avait enveloppé la vérité. Elle n’était pas forcée à peindre son visage pâle comme elle ne l’avait jamais fait, ni contrainte de porter des vêtements que sa mère ne lui aurait jamais laissé enfiler. Cet homme si adulte à l’air si hautain ne venait pas la chercher, il ne remettait pas une somme d’argent plus élevée qu’elle n’en avait jamais vues à la plus âgée des filles qui enfilaient leurs talons dans la pénombre. Elle rentrait simplement, après les cours, dans le modeste appartement, retrouvait sa mère au sourire effacé, partageait avec elle un repas simple et le peu d’amour que le temps leur avait laissé.

Elle n’était pas conduite par l’homme dans la chambre d’un hôtel luxueux, ni dépouillée de ses vêtements et de toute l’innocence de ses 15 ans. Elle n’était pas utilisée comme un jouet par un homme soucieux de satisfaire ses désirs interdits. Elle ne souffrait pas, ne pleurait pas, n’avait pas l’impression que des dizaines de couteaux lacéraient le bas de son ventre. Elle n’était pas ramenée dans la petite pièce, en pleurs, après quelques heures. Elle n’était pas condamnée à être enfermée entre ces quatre murs gris pour une grande partie du reste de sa vie. Elle n’était pas poussée à devenir un être de la nuit, une adulte encore si jeune, ni à arpenter les trottoirs perchée sur des talons instables.

Non, dans ce rêve elle était tout simplement Liouba, l’adolescente encore peu sûre de la vie mais baignée par le regard tendre de sa mère et qui s’endormait tous les soirs en pensant aux yeux si bleus du petit voisin d’en face.